Une salle de bains

Mon Louvre par Antoine Compagnon

Une salle de bains

Dans son labyrinthe, la Louvre renferme une foule de recoins dont il dépend d’un heureux hasard qu’ils se présentent à l’improviste sur votre chemin. On tombe alors sur un trésor à la découverte duquel on mènera par la suite rituellement ses amis. Ce jour-là, au fond d’un vestibule qui me semblait ne mener à rien d’autre qu’un débarras, je remarquai une fenêtre d’où l’on voyait de loin l’arc de triomphe du Carrousel, ou plutôt son effigie tracée sur une bâche qui dissimule des échafaudages durant la restauration du monument. Je m’approchai et fus stupéfait d’apercevoir à ma gauche un réduit abritant une salle de bains, étroit et délicieux cabinet décoré par Corot pour son ami François-Parfait Robert, juge d’instruction à Mantes (Sully, salle 947). Tous les murs de la petite pièce sont occupés par des vues d’Italie : Venise, Rome, Naples, Gênes, et le lac de Nemi, que je ne connais pas. Prendre son bain au milieu de tableaux de Corot, voilà bien une jouissance de magistrat ! Ce cagibi restera l’un de mes lieux de prédilection dans le musée, un coin à moi. Je suis déjà revenu souvent le hanter.