

Manque en place
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Manque en place
Au bas d’un escalier menant aux antiquités égyptiennes (l’escalier dit du Nord), dans un recoin, je l’avais admirée l’autre semaine. Le désir m’avait pris de la revoir, de relire ce que l’on disait d’elle. M’avait séduit le fait que Champollion lui-même l’avait acquise en Égypte et l’avait rapportée de sa mission de 1829 — « J’apporte au Louvre le plus beau bronze qui ait jamais été découvert en Égypte », écrivait-il —, mais aussi qu’il s’était trompé sur son identité. Il avait cru que la petite statue de bronze incrusté d’or représentait l’épouse du pharaon Takélot II, alors qu’il s’agirait d’une fille d’Osorkon Ier, prêtresse liée à Karomama, elle-même épouse et prêtresse du dieu Amon-Rê, roi des dieux. L’épouse de Takélot II, la fille d’Osorkon Ier ou Karomama, je ne me rappelais plus. Je voulais mieux comprendre la lettre où Champollion expliquait son raisonnement et contempler à loisir la fine statuette, alors que la première fois je n’avais fait que passer. Or la jeune femme avait disparu sans laisser d’adresse, elle s’était envolée, la vitrine avait été déshabillée, ma statue manquait en place (Sully, salle 337). Comme les livres de la Bibliothèque nationale, elle avait pris la poudre d’escampette.