La salle vide

Mon Louvre par Antoine Compagnon

La salle vide

Je n’irai pas jusqu’à prétendre que cette salle est ma préférée dans tout le musée du Louvre, mais je dois avouer que mes pas m’y ramènent souvent (Denon, salle 726). Ce soir, un vendredi, elle est fermée au public. J’en suis réduit à la prendre en photo entre les barreaux de la grille qui rend inaccessibles tous les bas-côtés nord de la salle des Sessions en ce jour de nocturne (Denon, salle 718). Pourquoi cette salle m’attire-t-elle autant ? Sans doute parce qu’elle est la seule salle absolument vide que je connaisse dans le palais du Louvre. Sa forme est curieuse. Un faux plafond y a été installé, qui réduit l’utilité de ses cimaises, alors que sa fenêtre est située en hauteur, prenant l’allure d’un soupirail qui disparaît sous le plafond suspendu. Une huitaine de marches y accède. Je ne puis pas les monter aujourd’hui, mais je sais que, donnant vers l’est, l’ouverture permet d’admirer les Tuileries et l’arc de triomphe du Carrousel. Je me demande quelle idée a pu présider à l’étrange aménagement de cette salle. On aurait pu y accrocher deux ou trois tableaux italiens ou espagnols, car on se trouve entre Greco et Tiepolo, ou y placer une simple banquette où je me reposerais comme sur le divan circulaire des Arts de l’Islam. Cette salle me laisse perplexe. Je n’en comprends pas l’intention, mais il m’est arrivé de méditer sur ses marches.