

Passez, payez
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Passez, payez
Flânant au deuxième étage de l’aile Sully parmi les peintures française du XIXe siècle, je délaissai ce jour-là l’enfilade de l’allée centrale et pénétrais l’une après l’autre dans chacune des alvéoles latérales réservées aux tableaux de petit format. Sans m’y attendre, je tombai sur une œuvre que j’aime et que j’ai beaucoup citée, mais que je crois bien n’avoir jamais vue pour de vrai, L’Averse dit aussi Passez, payez de Louis-Léopold Boilly, peint vers 1805 (salle 938). Une famille élégante, le jeune père en bas blancs, la mère à la mode du Directoire ou de l’Empire, un petit garçon et une petite fille tenus par la main par leur père, suivis d’une gouvernante serrant un bambin dans les bras, traversent une rue boueuse de Paris sur une étroite planchette de bois telle que les décrotteurs les proposaient aux bourgeois pour qu’ils ne se salissent pas trop avant une visite. Passez, payez était le cri de ce petit métier parisien. L’instant d’après, il est sûr qu’un enfant tomba de la planche et se crotta de la tête aux pieds. Ces planches, qui portaient des roulettes, sont les ancêtres des skateboards de nos jeunes gens branchés. L’Averse de Boilly m’évoque Paranoid Park de Gus Van Sant.