

Le garde des tableaux du roi
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Le garde des tableaux du roi
Chaque fois que je parcours la Grande Galerie — parcourir étant le mot juste, car cette galerie est si vaste que l’on ne fait jamais que la survoler avec l’envie d’y revenir—, chaque fois je songe à l’extraordinaire tableau d’Hubert Robert, la Grande Galerie en ruine (1796), méditation sur le temps, sur la Révolution, sur la fin de l’Ancien Régime, de la part de cet ancien garde des tableaux du roi. Mais c’est une petite Vue d’une cellule de la prison du Châtelet qui me captive aujourd’hui (Sully, salle 930). Devant ce tableau, je me suis d’abord trompé. J’ai cru que le prisonnier était le peintre lui-même. Il fut en effet enfermé à Sainte-Pélagie et à Saint-Lazare sous la Terreur. J’avais vu ses œuvres de prison lors de la superbe exposition « Hubert Robert, 1733-1808. Un peintre visionnaire », au Louvre en 2016, et j’avais admiré que, menacé de la guillotine, il occupât ses derniers loisirs à peindre sa cellule. Mais ce tableau-ci date de 1789. Hubert Robert aura rendu visite au baron de Besenval. Celui-ci, gouverneur militaire de l’Île -de-France, laissa faire la prise de la Bastille en retirant ses troupes et fut arrêté comme traître à la nation. Hubert Robert, lui, une fois libéré, retrouva son logement du Louvre et devint conservateur du Muséum, le futur musée du Louvre. Il habita dans un recoin du palais et y mourut.