Netflix au Louvre

Mon Louvre par Antoine Compagnon

Netflix au Louvre

Le musée du Louvre et la National Gallery de Londres

Comme je disais que j’écrivais sur le Louvre, de bonnes âmes m’apprirent que s’y déroulait un épisode d’une série qui rencontre un vif succès pour le moment sur Netflix. Je me renseignai. Heartstopper, d’après un roman graphique très populaire, raconte les éveils sensuels d’une classe d’adolescents britanniques. Au cours de la deuxième saison, un voyage scolaire les emmène à Paris, le Paris d’Emily in Paris (qui n’a pas encore raconté, à ma modeste connaissance, une visite au Louvre, mais bien un déjeuner au café Marly et des fiançailles à Orsay) : l’Arc de Triomphe, les Champs-Élysées, la Tour Eiffel, Montmartre, les cadenas du pont des Arts, et bien entendu une heure au Louvre (il paraît qu’une heure et demie est la durée moyenne des visites, y compris la queue aux toilettes). Or, grand étonnement, après une séquence autour de la pyramide et une autre devant la Mona Lisa, je ne reconnais plus mon Louvre, mais la National Gallery de Londres, avec ses banquettes-paquebots et son Souper à Emmaüs du Caravage. La caméra reviendra toutefois dans la cour de Khorsabad, dans la rotonde iranienne (à l’emplacement prévu pour la chapelle Saint-Napoléon), puis dans la cour Marly, où les couples amoureux se déclarent. À une époque où les jeunes gens savent tout grâce à ChatGPT, cela paraît bizarre que l’on tente de faire passer la National Gallery pour le Louvre, comme si tous les musées se valaient. Mais la course des amoureux de Heartstopper dans la cour Marly ne vaut pas la visite du Louvre en 9 minutes et quelques secondes dans Bande à part de Godard en 1964.