Paris en campagne

Mon Louvre par Antoine Compagnon

Paris en campagne

Une conservatrice du musée, à qui j’avouais combien j’aime regarder Paris depuis les fenêtres du Louvre — vers le pont des Arts, Saint-Germain l’Auxerrois, le temple de l’Oratoire, l’arc de triomphe du Carrousel —, me confia qu’elle partageait ce vice. Se rendre au musée et regarder par la fenêtre, ne croyez pourtant pas que c’est du gâchis : l’œil doit se reposer entre les œuvres. Ma conservatrice ajouta que son point de vue préféré était celui que l’on a depuis la salle des Rubens et de la grande peinture flamande, tout juste au nord de la galerie Médicis (Richelieu, salle 802). Je m’y précipitai dès qu’elle eut fini de me faire visiter son département et je ne fus pas déçu. La vue sur Paris depuis les fenêtres de cette salle flamande est irréelle. Les toits du Palais-Royal dissimulent les arrondissements de la rive droite jusqu’à Montmartre. Les boulevards, les grands magasins, l’Opéra, les gares du Nord et de l’Est, toute cette plaine métropole est abolie, et le Sacré-Cœur, qui paraît tout proche, se dresse dans la verdure comme une église de campagne. Vu du Louvre, faisant abstraction de la ville, le Sacré-Cœur devient même presque beau.