Perdu comme à Tokyo

Mon Louvre par Antoine Compagnon

Perdu comme à Tokyo

Grande conversation dans la salle Vermeer. Ils occupent le banc devant L’Astronome (Richelieu, salle 837). D’un côté un jeune homme, une jeune fille et une femme plus âgée, peut-être la mère de l’un d’eux ou des deux, de l’autre un homme entre deux âges. Ils parlent et parlent et parlent en maniant leurs plans du musée dépliés. Ils parlent en japonais, dont je reconnais quelques mots. L’homme entre deux âges leur donne des indications pour se rendre à l’autre bout du palais. Il paraît savoir ou en tout cas fait comme s’il savait. Il tourne son plan pour leur montrer exactement où nous sommes et là où ils voudraient se rendre, vers l’aile Sully, semble-t-il. Cela me rappelle les dialogues infinis à la sortie du métro à Tokyo, ville si compliquée que les Tokyoïtes ne cessent de demander leur chemin. Mais il est encore plus difficile de s’orienter au Louvre qu’à Tokyo. L’homme entre deux âges passe son chemin après maints « Arigatou ». Le jeune homme s’absorbe dans la contemplation de L’Astronome. Je me demande s’il se débrouillerait mieux avec le globe céleste et le manuel d’astronomie posés sur le bureau du savant qu’avec le plan du Louvre. Plus tard, je les reverrai dans la salle des Rembrandt (Richelieu, salle 844), dans la direction exactement opposée de celle vers laquelle l’homme entre deux âges voulait les envoyer.