

Esquisses et copies
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Esquisses et copies
Il va de soi que, comme tout un chacun, j’admire les grands machins sur fond cramoisi des salles Mollien et Denon, Le Radeau de la Méduse de Géricault, La Mort de Sardanapale de Delacroix, qui vient de faire un majestueux retour sur les cimaises, ou La Justice et la Vengeance divine poursuivant le Crime de Prud’hon (Denon, salle 700 et 702). Mais je garde de l’affection pour les tableaux de petit format, esquisses ou copies, relégués au second étage de la cour carrée du côté sud. On y trouve deux esquisses du Radeau de la Méduse (Sully, salle 941, RF 2229 ; salle 950, RF 1667), une esquisse de La Mort de Sardanapale (Sully, salle 942, RF 2488), et une copie par Géricault (ou plutôt un peintre anonyme) de La Justice et la Vengeance divine (Sully, salle 936). Ne les manquez pas ! D’où me vient ce goût des esquisses ? Je crains qu’il ne soit un signe de faiblesse ou de pusillanimité, une réaction à l’épatement révérencieux, à l’admiration intimidante que j’éprouve devant les grandes surfaces du premier étage. À mon âge, les fréquentant pourtant depuis des décennies, je me sens encore impuissant devant la Prise de Constantinople par les croisés de Delacroix ou Les Sabines de David, pour ne rien dire du Sacre de Napoléon. Ainsi, je préfère les quatuors de Beethoven aux symphonies, Les Fleurs du Mal à La Légende des siècles. J’y respire mieux.