

Ivoire d’éléphant
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Ivoire d’éléphant
Au mur, je vois « Salle Adolphe de Rothschild », et mon attention est éveillée (Richelieu, salle 527). Adolphe de Rothschild est le fondateur de l’hôpital de Buttes-Chaumont, spécialisé dans les yeux. Je savais qu’il était collectionneur, mais j’ignorais qu’il appréciait en particulier les objets d’art de la Renaissance italienne tels que cette salle les rassemble. Je scrute les vitrines, longtemps je ne vois rien qui lui ait appartenu, et cela me déconcerte. Cependant je fais une trouvaille : un superbe crucifix romain daté de vers 1600, en ivoire d’éléphant. Le cartel précise : « Legs Marc Fumaroli, 2014. » Mon cher Marc, ami de quarante ans, longtemps président de la Société des amis du Louvre. Je n’ai jamais vu cet objet chez lui — il se trouvait sans doute dans sa chambre à coucher —, mais je repense à ma dernière visite, quelques jours avant sa mort. Notre conversation porta sur l’art de la Contre-Réforme, auquel il était attaché. L’ivoire d’éléphant, cela ne voyage plus. Une amie de New York avait acheté un ancien Pleyel à Paris. À l’arrivée à la douane, les touches furent retirées, mises dans un sachet en plastique et renvoyées à l’expéditeur. La salle porte le nom d’Adolphe de Rothschild à cause des objets qui y sont exposés dans une seule des vitrines et aussi ou surtout à cause de son superbe plafond à caissons vénitien.