

Morceaux de réception
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Morceaux de réception
Les visiteurs passent en vitesse dans la salle dite de « La Petite Galerie de l’Académie », sans trop s’arrêter (Richelieu, salle 219). Ou alors, tout au contraire, certains copistes y viennent avec leur tabouret pliant et s’attardent longtemps devant l’une ou l’autre de ces sculptures que les artistes soumettaient à l’Académie royale quand ils s’y portaient candidats. Elles sont si nombreuses, si serrées, si interchangeables pour l’œil non averti, que le touriste de passage peine à distinguer ce qui fait le charme de chacune d’elles, le nu, le mouvement, le drapé, mais les dessinateurs, eux, s’installent. L’autre jour, deux jeunes femmes occupaient l’étroit couloir entre les morceaux exposés, bloquant le passage ; elles se consultaient, commentaient leurs prouesses. Deux autres étaient appuyées contre le Racine de Boizot dans la salle voisine (Richelieu, salle 221). Ainsi, le Louvre, malgré la marée montante de la démocratie touristique, conserve sa mission originelle d’atelier.