Des faux

Mon Louvre par Antoine Compagnon

Des faux

Combien de faux exposés au Louvre ? En existe-t-il une liste ? Et faut-il compter parmi les faux les sculptures antiques remontées de bric et de broc ? Par exemple l’émouvant Sénèque mourant de la salle du Manège, en provenance de la collection Borghèse, aussi nommé Le Vieux Pêcheur car rien ne prouve qu’il s’agisse de Sénèque (Denon, salle 405). Vient-il d’Alexandrie ? Date-t-il d’avant ou après notre ère ? On n’en sait rien. Les bras, les jambes, la ceinture ont été refaits, les yeux ajoutés, ainsi que la vasque. Je pense aux faux du Louvre devant une somptueuse Navette à encens exposée parmi des objets de la Renaissance italienne provenant de la collection d’Adolphe de Rothschild (Richelieu, salle 527, OA 5556). Or le cartel attribue cette pièce à Reinhold Vasters, orfèvre et faussaire du XIXe siècle. Il disposait d’un étui authentique, exposé derrière la navette, et il aurait fabriqué un objet qui pût y être encastré. Une autre vitrine de la même salle présente tout un tas de petits bronzes de la Renaissance qui passèrent pour des bronzes antiques. Mais Le plus célèbre faux du Louvre reste la tiare du roi scythe Saïtapharnès, supposément découverte en Crimée et chèrement acquise par le musée en 1896. Elle venait d’être façonnée à Odessa par un certain Israël Rouchomovsky, ce dont la révélation ridiculisa conservateurs et archéologues. La Louvre la range aujourd’hui dans ses réserves.