

L’atelier du Carrousel
Mon Louvre par Antoine Compagnon

L’atelier du Carrousel
Arc du Carrousel
J’avais promis de revenir sur les ateliers de sculpture installés au pied de l’arc de triomphe du Carrousel durant sa restauration, mais le temps a passé. Il y a trois semaines, comme je traversais la place du Carrousel, au lieu d’apercevoir un cygne tendant la tête « vers le ciel ironique et cruellement bleu », tel le malheureux volatile décrit par Baudelaire dans ses « Tableaux parisiens », je vis, dans un ciel parsemé de légers nuages qui le rendaient plus miséricordieux, un une sorte de Pégase escaladant les airs. C’était l’un des chevaux du quadrige de Constantinople, hissé par une grue au bout d’un câble, prenant de la hauteur et s’apprêtant à retrouver sa place au sommet de l’arc. Quelques jours plus tard, tout le quadrige l’avait rejoint ; manquaient seules la Paix et la Victoire à leurs côtés. Quant aux huit grognards du dernier étage, irrécupérables, rongés par les intempéries, des moulages anciens, heureusement conservés, ont été scannés en 3D afin de réaliser des modèles en mousse – le sapeur avec sa hache, le cuirassier avec son casque – que les sculpteurs ont reproduit dans le marbre. La jolie idée a été de sculpter ces copies sur place, dans deux ateliers dont les fenêtres donnaient sur le jardin afin que les promeneurs puissent suivre le travail. Chaque fois que je suis passé par là, les curieux collaient le nez à la vitre. Tout à l’heure, deux soldats de la Grande Armée avaient déjà remonté au Sud-Est de l’arc. J’ai assisté au grutage majestueux du troisième. L’échafaudage tombera bientôt.