La galerie des grands hommes

Mon Louvre par Antoine Compagnon

La galerie des grands hommes

Pourquoi parler de ce Montaigne qui ne me paraît pas tellement ressemblant, ou du moins qui ne ressemble pas à l’idée que je me fais de l’auteur des Essais (Richelieu, salle 225) ? C’est qu’il a sa place dans la galerie des grands hommes, auprès de Corneille, de Racine et de Pascal. Il témoigne de la continuité du culte des écrivains par-delà la Révolution et la chute de l’Ancien Régime, puisque Corneille fut commandé à Caffieri en 1778, Pascal à Pajou en 1779, et Racine à Boizot en 1783, par le comte d’Angiviller, directeur général des Bâtiments du roi, pour la salle des Antiques du Louvre (aujourd’hui salle des Caryatides), tandis que le Directoire commanda son Montaigne à Jean-Baptiste Stouf, exposé au Salon de 1800, pour le Muséum du Louvre. Les trois statues traversèrent la Seine avec l’Institut, où elles séjournèrent longtemps, avant de rejoindre Versailles, puis de revenir au Louvre, leur résidence originelle. Dans ce Montaigne à l’antique, tenant une plume entre les doigts de la main droite, me dérange son miroir dans l’autre main. Les Essais sont un autoportrait, mais ils n’ont rien d’un selfie. La philautie, l’amour de soi, est l’illusion suprême, la self-deception. Le livre n’a rien d’un miroir.