

Tapissage
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Tapissage
Dans le Salon carré une vingtaine de tableaux sont exposés aujourd’hui (Denon, salle 708). Imaginez qu’il y a un siècle il y en avait trois fois plus, une bonne soixantaine qui tapissaient les murs à touche-touche : tous les chefs-d’œuvre du musée, mêlant les siècles et les écoles dans le plus grand désordre, dont La Joconde, Les Noces de Cana de Véronèse, La Vierge et l’Enfant du Pérugin, Le Transport du Christ vers le tombeau du Titien, La Vierge à l'Enfant avec le petit saint Jean Baptiste de Raphaël, le Concert champêtre alors attribué à Giorgione, sans compter les Poussin, Rembrandt, van Dyck, Rubens, Murillo, Caravage, Memling, Holbein, ou le Bossuet d’Hyacinthe Rigaud, etc. Il était difficile d’isoler par le regard une œuvre de ses voisines, de la voir seule et dans ses détails, car elle était le détail, et, comme il n’y avait pas de cartels, on repérait chaque tableau tant bien que mal à l’aide d’un livret. Notre expérience de la visite au musée n’a plus rien à voir avec celle-là. Seules quelques salles du Louvre conservent des cimaises tapissées de tableaux, par exemple des paysages hollandais, afin de nous rappeler comment les œuvres furent traditionnellement accrochées (Richelieu, salle 851). Associer le tableau et l’étiquette sur un tel puzzle relève de la prouesse réservée aux historiens de l’art.