

Le plus grand taudis de Paris
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Le plus grand taudis de Paris
Bien avant de mourir, Jean de Souvré avait fait construire son extravagant monument funéraire par le sculpteur François Anguier dans l’église Saint-Jean-de-Latran, située à Paris juste en face du Collège de France, au cœur d’une forteresse dont il était le commandeur et qui échappait à la juridiction royale (Sully, salle 218). Mais, devenu le grand prieur de l’ordre de Malte en France, il fut enterré plus simplement dans l’église du Temple, siège de l’ordre. Je ne sais pas ce qui me touche le plus dans cet élégant gisant aux yeux baissés : la sérénité de son attitude à l’article de la mort, le geste de l’ange ou du génie qui le retient d’une main dans la vie et de l’autre le pousse au trépas, ou bien le fait que ce luxueux tombeau soit resté vide, abandonné au milieu de bâtiments en ruine qui devinrent après la Révolution le plus grand taudis de Paris, comme un trésor retrouvé dans un tas d’ordures au coin d’une borne et sauvé pour nous dans le Musée des monuments français d’Alexandre Lenoir. Cerise sur le gâteau : le Louvre vient d’acquérir un superbe modèle préparatoire en terre cuite de la statue funéraire.