

Le canapé circulaire de Napoléon III
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Le canapé circulaire de Napoléon III
Dans La Prisonnière, le cinquième tome du roman de Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Bergotte, l’écrivain imaginaire, est pris d’un malaise en visitant une exposition hollandaise au musée du Jeu de paume. Devant le « petit pan de mur jaune » de la Vue de Delft de Vermeer, il s’effondre sur un canapé circulaire. Il croit à une indigestion, redoute de faire les « chiens écrasés » des journaux du soir, mais tombe du canapé, raide mort. Pour l’exposition du centenaire de la mort de Proust à la Bibliothèque nationale de France (2022), je voulais à tout prix un canapé circulaire pour commémorer cet épisode capital du roman, mais, en France, on est résolument moderne. Aucun musée parisien ne semble avoir conservé son mobilier séculaire. Nous dûmes louer notre canapé circulaire à une entreprise de décors pour le théâtre et le cinéma. Or, mon canapé idéal, je viens de le trouver, sublime, accueillant, au beau milieu du grand salon des appartements Napoléon III (Richelieu, salle 544). Aucun regret cependant : le Louvre ne nous l’aurait jamais prêté.