

Le museau du chien
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Le museau du chien
Catherine d’Alençon commanda un double tombeau pour elle-même et son mari, Pierre de Navarre, après la mort de celui-ci en 1412 (Richelieu, salle 210). Mais elle lui survécut si longtemps, cinquante ans, qu’elle se remaria et fut enterrée ailleurs. Sur la plupart des sculptures funéraires de cette époque et de cette salle, les pieds des gisants reposent sur des lions ou des chiens pour l’éternité. Les lions, symboles de résurrection (il paraît que les lionceaux naissent morts), sont le plus souvent attribués aux hommes, et les chiens aux femmes, ou parfois une licorne, témoignant de leur virginité. Dans le contact du corps du trépassé et de l’animal chaleureux, sagement replié sur lui-même, fidèle, puisque le chien représente la fidélité, il y a quelque chose de si désirable que l’on voudrait s’endormir ici pour toujours. Chaque fois que je reviens rôder par ici, j’ai l’impression que tous les visiteurs éprouvent le même sentiment de paix. Il faut faire un gros effort sur soi-même pour résister à la tentation de caresser le museau de la bête assidue.