

Au Louvre
Mon Louvre par Antoine Compagnon

Au Louvre
J’ai accepté d’être écrivain en résidence au Louvre. J’y passerai le plus possible de mon temps une année durant. C’est un rêve d’enfance. Je n’y dormirai pas, encore que m’y faire enfermer toute une nuit ne me déplairait pas. Je déambulerais jusqu’au matin, me perdrais, peut-être à jamais. Qu’est-ce qu’un musée sans ses visiteurs, quand toutes les œuvres retrouvent la liberté. Il y a longtemps, j’ai écrit un conte sur les livres d’une bibliothèque qui, la nuit, quand les lecteurs étaient absents, quittaient leurs rayons et jouaient à cache-cache. L’idée m’avait été inspirée, avant l’entrée dans le monde numérique, par les fiches de la Bibliothèque nationale qui nous revenaient, quand nous commandions un livre, avec cette rubrique cochée au crayon rouge : « Manque en place. » Le Louvre que j’ai dans la tête, c’est celui de mes dix ans, un petit Louvre. Les premières salles où je me suis attardé furent celles des antiquités égyptiennes, à cause des programmes de la classe de sixième (Sully, salle 321). Je m’y rendais avec ma mère ou avec ma sœur aînée. Durant notre sommeil, j’imaginais que les momies sortaient de leurs sarcophages.