Fragment ou essence

Mon Louvre par Antoine Compagnon

Fragment ou essence

Cette tête féminine des Cyclades, datant du troisième millénaire avant notre ère, est un prodige de beauté, de pureté et de simplicité (Denon, salle 170). Le marbre blanc ajoute à son caractère essentiel. Au cours des temps, elle a été détachée d’une statue qui se tenait debout, les jambes jointes, les bras croisés, suivant un modèle présent dans les vitrines voisines, mais à une taille plus réduite. Or elle est d’autant plus touchante qu’elle est seule, désolidarisée du reste du corps, non pas comme un fragment, mais comme un tout, une unité, une seule tête. La blessure au bas du menton accroît encore l’émotion. Cette tête a été perdue, abîmée, retrouvée après plusieurs millénaires. En elle, se résume l’être humain. Que demander de plus ?