Le fantôme de la salle des Sept Mètres

Mon Louvre par Antoine Compagnon

Le fantôme de la salle des Sept Mètres

Un mardi de l’hiver, jour de fermeture, je tiens à assister au décrochage des tableaux du musée Capodimonte de Naples, exposés dans la Grande Galerie depuis l’été. Ils disparaissent par tranches, plusieurs mardis d’affilée, de la même façon qu’ils ont été accrochés au printemps. Certains sont encore là ; on s’affaire à en retirer d’autres. Des agents, montés sur leur échafaudage à roulettes, munis de leur niveau, ajustent l’alignement des tableaux du Louvre qui retrouvent leur place, tandis que des conservateurs donnent leurs instructions d’en bas. Un peu plus loin, une petite équipe repeint un panneau tout juste libéré, qui restera vierge durant quelques jours. J’aime cette agitation du mardi, mais aussi des soirées, dès que les visiteurs ont vidé les lieux. Le spectacle est terminé ; les salles reviennent à tout ce peuple dont le souci est d’entretenir le plus grand musée au monde. Les laissant travailler, je prends par la salle de Sept Mètres, déserte en ce jour. Je m’entends marcher ; mes pas résonnent dans le silence de la fermeture (Denon, salle 709). Vers le milieu, une latte du plancher se met à grincer. Je reviens sur mes pas. Le plancher grince de plus belle. Dans ma mémoire, la salle des Sept Mètres sera pour toujours associée à un parquet qui grince le mardi, mais j’ignore toujours si elle a sept mètres de hauteur ou de largeur, et qui lui a donné ce nom.