Entretien avec Bernd Pappe, restaurateur spécialisé en miniature
Arts graphiquesRestauration des collections
Le 31 octobre 2024
Le département des arts graphiques du musée du Louvre conserve au total plus de 2 700 miniatures, dont plus de 1 400 léguées en 2023.
Au mois de février 2024, le département entreprenait une session de restauration de plusieurs œuvres de sa collection. L’occasion de s’entretenir avec Bernd Pappe, restaurateur spécialisé en miniature.
Qu’est-ce qu’une miniature ? Qu’est-ce qui la caractérise ? Est-ce la technique, les dimensions ? Quels sont les matériaux les plus utilisés ?
C’est assez difficile à définir, car justement le mot « miniature » ne vient pas du mot « mini » mais de « minium », ce pigment rouge que l’on employait au Moyen Âge pour tracer les initiales dans les manuscrits. La personne chargée de peindre en miniature, « miniare » en latin, était le « miniator ». Le terme « miniature » vient donc de la technique et non de la taille de l’objet, car il y a des miniatures assez grandes, d’une trentaine de centimètres environ, ressemblant plus à des petits tableaux. Le Louvre en conserve d’ailleurs un certain nombre.
C’est donc une technique très détaillée, très précise, qui profite du support blanc pour y peindre en transparence les carnations.
Quel était le contexte de création des miniatures ?
Les miniatures représentent toujours des portraits. On faisait peindre en miniature, afin de garder sur soi l’image d’une personne aimée. La dimension affective de l’objet était donc très forte. Avec l’essor de la photographie au XIXe siècle, la miniature disparaît peu à peu.
En quoi consiste votre intervention au département des arts graphiques aujourd’hui ?
Je m'occupe d’une part, de la restauration de miniatures qui présentent des moisissures, d’autre part, de l’importante collection léguée par Pierre Cattiau au département des Arts graphiques l’année dernière, composée de plus de 1400 items. Je prends donc les dimensions, découpe des gabarits en carton pour commander de nouveaux verres, ceux-ci s’altérant avec le temps. Ils peuvent cristalliser, devenir pleureurs (condensant et formation de gouttes) ou tout simplement se briser.
Qu’est-ce qui fait la spécificité du métier de restaurateur de miniature ?
Il s’agit vraiment d’une spécialisation, car ces œuvres ne relèvent ni du domaine de compétences du restaurateur de tableaux, ni de celui du spécialiste des arts graphiques. On retrouve par exemple l’ivoire, le parchemin et le vélin en support. En ce qui concerne la couche picturale, on utilise la gouache et l’aquarelle. La restauration de la miniature se caractérise aussi par la prise en compte du cadre, qui peut être fait en écaille, en cuivre doré, en feuilles d’or, en ivoire, etc.
Quels sont les principaux facteurs d’altérations auxquels sont confrontées les miniatures ?
Il existe toute une palette d’altérations possibles. Pour le support, l’ivoire est sensible à l’humidité, il gonfle et se rétracte en fonction du climat dans lequel il se trouve. Il y a donc un risque de gondolement et de fentes. Le gondolement de l’ivoire est également à traiter, puisqu’une fois sortie de son cadre, la miniature gondolée ne peut pas être remise sans risquer d’abimer l’ivoire. Concernant la couche picturale, les couleurs s’écaillent, des moisissures peuvent apparaître rapidement car elles se nourrissent des composants des pigments (notamment le sucre de la gomme arabique). Le restaurateur peut être amené à traiter toutes sortes de taches, les miniatures étant des objets que les gens portaient en permanence sur eux.
Lors de la restauration d’une œuvre de la collection du Louvre, avez-vous déjà fait des découvertes insolites ?
On ne sait jamais ce qui nous attend lorsque l’on ouvre une miniature. On trouve souvent de petits papiers laissés par l’artiste, certains avec des inscriptions identifiant le modèle ou le peintre, la date d’exécution, etc. Au dos de la miniature était souvent placée une mèche de cheveux de la personne représentée, pour conserver une part matérielle de l’être aimé. Comme une véritable relique. D’un point de vue scientifique et historique, cette simple mèche peut se révéler très importante, notamment pour les analyses ADN de personnages historiques.
Autrefois objet intime, parfois secret, la miniature se dévoile et est accessible à la consultation dans la majestueuse salle de consultation du cabinet des dessins.
Interview réalisée par Noa Knezevic et Séverine Eisenkremer, régisseuses d’œuvres assistantes au département des Arts graphiques
Ce retable d’autel, avec des volets peints ouvrant sur des sculptures en bois polychromé, témoigne de façon caractéristique de l’art religieux de la fin du Moyen Âge dans les pays germaniques.