L’Inventaire Napoléon, établi entre 1810 et 1813, est le premier registre dans lequel ont été consignées les œuvres du musée. Stéphane Loire, conservateur général au département des Peintures, en publie le volume consacré aux tableaux italiens.
Qu’est-ce que l’Inventaire Napoléon ?
Il s’agit d’un registre d’inventaire comprenant 17 volumes manuscrits, tous conservés aux Archives nationales et dont 4 sont consacrés aux peintures. Le premier recense les peintures italiennes, le second les tableaux des écoles flamande, hollandaise et allemande, le troisième ceux de l’école française. Dans le quatrième sont enregistrées les 1261 œuvres qui ont été envoyées en dépôt dans des musées ou des églises, sous la dénomination de « Tableaux envoyés aux départements ».
Dans quelles circonstances a-t-il été établi ?
Les œuvres sont arrivées au musée par vagues successives pendant la Révolution française et le 1er Empire, entre 1792 et 1814, sans avoir été enregistrées de façon systématique. Pour les peintures, on peut estimer qu’environ 30% provenaient des collections royales, 30% des saisies révolutionnaires en France (biens du clergé et des émigrés, ou encore collections de l’Académie royale de peinture et sculpture) et 40% de saisies révolutionnaires et napoléoniennes en Europe. En 1810, à l’occasion de la révision de la liste civile de l’empereur, le Sénat vote un acte demandant que les objets d’art de la dotation de la Couronne, qui comprend notamment les résidences impériales et les musées, soient répertoriés. Pierre Daru, l’intendant de la Maison de l’empereur, demande à Dominique Vivant Denon, directeur général du musée Napoléon, d’en établir l’inventaire. Pour piloter le projet, il lui adjoint Henry Beyle, futur Stendhal, alors auditeur au Conseil d’État et attaché à l’Intendance générale de la Maison de l’empereur.
Comment se présente l’inventaire ?
Chacune des pages de l’inventaire a préalablement été imprimée de neuf colonnes, qui constituent autant de champs destinés à l'enregistrement d'un objet : numéro d’ordre, artiste, sujet, dimensions, origine, estimation (tableau et cadre) et localisation. Les peintures sont classées par ordre alphabétique des noms d’artiste. Pour certaines, une description détaillée est fournie, d’autres sont simplement mentionnées par un titre qui rend parfois difficile leur identification, en particulier lorsque leur attribution à un artiste ou leur rattachement à une école a changé depuis.
Première page du volume de l'inventaire napoléon consacré aux peintures de l'école italienne
En quoi sa forme est-elle nouvelle ?
La mise au point de l’Inventaire Napoléon a exigé un long travail préparatoire de tri et de mise en fiches. Sa structure en colonnes s’inspire des recommandations formulées en 1793-1794 par Félix Vicq d’Azir, dans son rapport sur « la manière d’inventorier et de conserver, dans toute l’étendue de la République, tous les objets qui peuvent servie aux arts, aux sciences et à l’enseignement ». La nouveauté réside en premier lieu dans l’indication des provenances. La création du musée reposait sur la conviction que la République avait « libéré » les œuvres prélevées en France ou à l’étranger, afin de les rassembler dans un lieu unique, accessible à tous. L’inventaire rend compte de la diversité des collections confisquées, au nom de ce principe, par le pouvoir révolutionnaire puis par les armées napoléoniennes, avec les origines indiquées : « Ancienne collection de la couronne », « Galerie royale de Turin », « Palais Pitti de Florence », « Conquête 1806 » ou « Conquête 1809 ». L’autre innovation tient aux estimations de la valeur des tableaux et des cadres. Pour ce qui est des peintures italiennes elles varient de 0 franc pour un tableau anonyme, à 1 500 000 francs pour La Transfiguration de Raphaël, le tableau dont l’estimation est la plus élevée de l’Inventaire Napoléon, toutes écoles confondues. Seuls rivalisent les sculptures antiques très célèbres que sont le Laocoon et l’Apollondu Belvédère. Quant à la Joconde, elle n’est évaluée qu’à 90 000 francs.
Raphaël, La Transfiguration, Rome, Pinacoteca Vaticana
Beaucoup d’œuvres mentionnées dans l’inventaire ne sont plus au Louvre…
À la chute de Napoléon, dès l’entrée des armées alliées dans Paris le 7 juillet 1815, leurs représentants exigent la restitution des œuvres saisies. Des procès-verbaux sont établis, qui documentent le renvoi des œuvres dans les pays où elles avaient été prélevées.Sur les 1140 tableaux italiens portés sur l’Inventaire Napoléon, 515 sont restitués.
De nombreux tableaux italiens étaient déjà entrés dans les collections françaises, un des plus célèbres exemples étant la Joconde, acquise par François Ier auprès de Léonard. Mais quelles sont les raisons qui ont justifié que d’autres ne soient pas restitués ?
Cela peut tenir à leur état de conservation : c’est le cas des Noces de Cana, dont les dimensions exceptionnelles rendaient le retour difficile. Après avoir été découpé lors de sa dépose à Venise, le tableau avait été rentoilé à Paris. Denon obtint qu’il demeure au Louvre, en échange de l’envoi à Venise de La Madeleine chez le Pharisien de Charles Le Brun, aujourd’hui conservé à la Galleria dell’Accademia. Quant aux tableaux dits « primitifs », comme le Saint François recevant les stigmates de Giotto, ou la Maestà de Cimabue, ils n’étaient que peu appréciés par rapport à ceux des siècles suivants et ne furent pas réclamés.
Giotto, Saint François d'Assise recevant les stigmates
Quel est l’apport de l'Inventaire Napoléon pour la recherche aujourd’hui ?
Il constitue un point de départ, qui documente la formation des collections, non seulement celles du musée du Louvre mais également celles des musées créés dans les principales villes de France à partir de 1801. Il a servi de modèle à tous les inventaires suivants, ceux des Musées royaux établis en 1824, puis en 1832 sous Louis-Philippe, ou encore celui des musées impériaux, réalisé sous le Second Empire. Tous sont rédigés de façon rétrospective. Il faudra attendre la Troisième République pour que chaque nouvelle acquisition soit consignée dans un registre d’entrée et qu’un numéro d’inventaire "RF" lui soit attribué. Au-delà de cet aspect technique, l’Inventaire Napoléon nous renseigne sur l’histoire du goût, sur la réception des œuvres par les contemporains. À ce titre les estimations de leur valeur sont particulièrement précieuses.
Pour une histoire rapprochée de la peinture espagnole
En attendant la réouverture après rénovation des salles de peintures espagnoles et portugaises, un accrochage dans la salle d’actualités du département des Peintures présente cinq chefs-d’œuvre de l’école espagnole abordés à travers un détail signifiant.
Entretien avec Charlotte Chastel-Rousseau, conservatrice en chef au département des Peintures.
Nouant une collaboration inédite avec France Culture, le Louvre confie à Jean de Loisy la réalisation d’une série consacrée aux collections du musée. Intitulée « Chefs-d’œuvre en vies », cette série de podcasts sera diffusée en ligne le 11 mars. Elle fera entendre les échanges entre l’historien de l’art et commissaire d’exposition et dix experts du Louvre qui dévoilent les multiples aspects des œuvres qu’ils côtoient, préservent et analysent.
La Direction Générale des Antiquités du Liban et le département des Antiquités orientales du musée du Louvre collaborent sur le site de Byblos à la fouille d’une nécropole de l’âge du Bronze. Rencontre avec Tania Zaven, directrice du site de Byblos et du projet Byblos Hypogeum et Julien Chanteau, archéologue au département des Antiquités orientales du musée du Louvre et directeur des fouilles.