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Le 19 mars 2025

Nouant une collaboration inédite avec France Culture, le Louvre confie à Jean de Loisy la réalisation d’une série consacrée aux collections du musée. Intitulée « Chefs-d’œuvre en vies », cette série de podcasts sera diffusée en ligne le 11 mars. Elle fera entendre les échanges entre l’historien de l’art et commissaire d’exposition et dix experts du Louvre qui dévoilent les multiples aspects des œuvres qu’ils côtoient, préservent et analysent.

En amont de chaque entretien, un dialogue méthodique s’est instauré entre Jean de Loisy et les neuf départements du Louvre afin de sélectionner les œuvres mises à l’honneur dans sa série, couvrant une vaste période, de l’Égypte du troisième millénaire à la France du XIXe siècle. De nombreux conservateurs ont ainsi choisi des objets qui les fascinent et auxquels ils ont consacré d’importants travaux, offrant aux auditeurs le fruit de leurs recherches les plus récentes. À travers la voix des œuvres et les paroles de leurs experts, « Chefs-d’œuvre en vies » propose une traversée temporelle, où les différents objets – de leur genèse à leurs multiples interprétations – résonnent au fil des siècles et dialoguent avec notre présent.

Jean de Loisy confie préférer « la séduction des histoires à l’autorité du discours historique », et présente ces conversations comme « un récit à plusieurs voix –traversé de textes interprétés par Clotilde Hesme et Micha Lescot – où se formule une question à laquelle il ne s’agit pas, bien sûr, de répondre. Le visible ne rend pas entièrement compte de la force vitale des œuvres, qu’il faut non seulement conserver mais aussi faire converser. Une enquête ? Peut-être. Mais alors, une enquête relevant du roman policier où les pages cultivent une énigme et retardent sa résolution ».

Dans le registre de l’enquête, une trame d’évènements doit se reconstituer : « l’idée était de choisir une œuvre, non seulement porteuse d’une histoire, mais aussi de récits qui continuent de se déployer. Sous cet angle, la Tunique de Thaïs est un cas exemplaire. Thaïs a été immortalisée par Anatole France dans un roman, puis par Massenet dans un opéra. Habit-palimpseste, la tunique a traversé le temps et éclaire, peut-être, notre compréhension de la notion de chef-d’œuvre. Contrairement à l’idée répandue qui le réduit à sa notoriété, un chef-d’œuvre renouvelle sans cesse fantasmes, projections, incertitudes et réappropriations », souligne Maximilien Durand, directeur du département des Arts de Byzance et des Chrétientés en Orient.

Jean de Loisy revitalise ainsi la notion de « chef-d’œuvre » et déjoue les représentations mortuaires associées à certains objets présents dans le programme. De cette tunique, retrouvée à Antinoé sur une défunte, au Tombeau de Philippe Pot, il n’est jamais question d’oubli ou de disparition, mais d’une mémoire en acte, tournée vers le futur. Si la Tunique de Thaïs, fragile et partiellement déchirée, ne quitte les réserves qu’en de rares et précieuses occasions, le Tombeau de Philippe Pot, exposé depuis 1889, semble indissociable du département des sculptures.

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Tombeau de Philippe Pot, RF 795

Solide ou en lambeaux, tous ces chefs-d’œuvre du Louvre débordent de l’époque qui les a vus naître. Dans le département des sculptures qu’elle dirige, Sophie Jugie affirme que le chef-d’œuvre suscite un « regard continu » : « Les résonances du Tombeau de Philippe Pot dans les pratiques artistiques contemporaines sont nombreuses. Mais ce que l’on découvre encore de lui, dans son époque, ne cesse de nous surprendre. Une récente restauration a ainsi révélé des informations inédites sur sa polychromie, renouvelant nos savoirs, nos imaginaires et, par là même, la texture des conversations qu’il suscite ».

 

Biographie d’un objet

François Bridey, conservateur du patrimoine dans le département des Antiquités orientales, voit dans le ‘Sit-shamshi’, découvert à Suse, un objet emblématique qui provoque un « trouble, une brèche catégorielle où les frontières entre l’art et l’artisanat s’anéantissent et se recomposent sans cesse. À la différence d’autres artefacts que l’on connaît de façon sérielle, cette maquette d’un lieu de culte est absolument unique. L’objet déploie une richesse iconographique et technique qui comble certaines de ses lacunes – qu’elles concernent l’histoire, les textes ou le contexte de sa découverte en fouille ».

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Sit-shamshi, Sb 2743

Pour célébrer l’unicité qu’évoque le conservateur, Jean de Loisy aime à parler de « biographie d’un objet ». Faisant écho à sa notion de « chefs-d’œuvre en vies », la « biographie » – qui réunit le bíos (« vie ») et gráphô (« écrire ») – concerne désormais le domaine, réputé inerte, de l’objet. Mais les biographies de ces œuvres croisent aussi celle de ses interlocuteurs. Souraya Noujaim confie ainsi être « tombée dans » le Plat à inscription rayonnante – conservé dans le département des Arts de l’Islam qu’elle dirige actuellement – lorsqu’elle était étudiante à l’École du Louvre. Quelle meilleure image pourrait exprimer la puissance d’attraction des œuvres qui tout à la fois nous aspirent et nous recueillent ? « Ce plat, qui n’est pas qu’un plat, engage un rapport subtil à la matière. Entre les creux et les vides, il rayonne entre le visuel, le sonore et le tactile : son inscription en léger relief, lié à la tradition des âdâb, appelle à une déclamation, voire à l’interlocution et au toucher. J’y vois une très grande modernité : une forme d’œuvre d’art totale avant l’heure ». 

Retrouvez le podcast "Chefs-d'œuvre en vies" en cliquant sur le lien ci-dessous :

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