"La salle de consultation du département des Arts graphiques est un espace magique" Xavier Salmon

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Le 18 mars 2024

Passer un moment en tête-à-tête avec un chef d’oeuvre est le rêve de tout amateur d’art. Un privilège que le département des Arts graphiques offre au public tout au long de la semaine au sein de sa salle de consultation. Visite guidée de ce trésor (trop bien) caché, en compagnie du directeur du département, Xavier Salmon.

Le département des Arts Graphiques abrite l’une des collections les plus riches du monde. De quoi se compose-t-elle ?

Le département héberge plus de 250.000 œuvres - des dessins aux estampes en passant par les miniatures et les pastels - couvrant une période allant du IXème siècle après J.-C. au début du XXème siècle. De fait, la collection offre au public un merveilleux voyage dans l’histoire de la création graphique. 

Les œuvres qu’abrite le département sont malheureusement fragiles...

Les œuvres graphiques ne peuvent pas être exposées en permanence car elles sont sensibles à la lumière, en particulier aux UV. Elles peuvent être affectées par un phénomène de décoloration, mais aussi de destruction lente du support papier. C’est pourquoi nous privilégions les expositions temporaires. Par ailleurs, nous retrouverons en 2025 un espace d’exposition au Pavillon de l’Horloge, où nous présenterons une sélection de chef-d’oeuvres par roulement tous les quatre mois. Les visiteurs du Louvre auront ainsi la possibilité de venir plus régulièrement à leur rencontre.

En attendant, le public peut jouir d’un autre privilège…

Outre les espaces d’exposition temporaire au sein du parcours muséographique, le département des Arts Graphiques a en effet la chance de mettre à la disposition des visiteurs une salle de consultation des œuvres. Il s’agit d’un espace à la fois magique et méconnu, situé dans un des plus beaux décors du Louvre.

Pouvez-vous décrire le lieu que le visiteur découvre en poussant la porte de cette salle ?

Il s’agit à l’origine d’un escalier, aménagé à la demande de Napoléon III, qui permettait d’accéder aux appartements des invités situés dans le Palais des Tuileries. Le décor, qui a été conçu sous le Second Empire, est caractéristique de ce style : marbres, reliefs en pierre calcaire, peintures, qui réunissent tous les artistes majeurs de l’époque. Alexandre Cabanel a peint le plafond, Eugène Guillaume a sculpté les grands reliefs qui ornent les murs. De fait, quand on entre pour la première fois dans la salle de consultation, “l’effet waouh’’ est garanti (rire). Plus sérieusement, l’atmosphère qui y règne est exceptionnelle, et les gens qui la découvrent sont généralement stupéfaits par la beauté du décor.

Quel est le profil du public qui fréquente la salle de consultation ?

Il s’agit principalement de chercheurs, qui travaillent sur un artiste en particulier ou qui préparent une exposition, et d’artistes qui viennent dessiner d’après les dessins des maîtres. Mais nous accueillons aussi des collectionneurs et de simples amoureux du dessin. 

La salle est donc ouverte à tous ?

Absolument ! Elle est ouverte gratuitement à tous les visiteurs, tous les après-midi entre 13h et 18h, du lundi au vendredi. Pour s’y rendre, il suffit d’aller sur la base de données du département – puisque l’ensemble de la collection est en ligne –, de sélectionner les numéros d’inventaire des œuvres que l’on souhaite regarder, et d’envoyer un message à l’adresse cabinet-des-dessins@louvre.fr . Il est conseillé de réserver un créneau horaire car la salle ne compte que douze places. Mais dès lors que vous êtes venus une première fois dans la salle, vous pouvez revenir autant de fois que vous le souhaitez.

Dans quelles conditions peut-on admirer les œuvres ?

D’une certaine manière, la salle fonctionne comme une bibliothèque. La consultation est individuelle, entièrement libre, et s’effectue sur une table où se trouve un petit chevalet sur lequel vous posez le dessin que vous souhaitez découvrir. L’équipe de régie, qui apporte les œuvres, est là pour expliquer comment manipuler les passe-partout qui abritent les œuvres. Un conservateur de permanence est également présent pour répondre à toutes les questions des visiteurs, qu’elles portent sur la technique de l’artiste, la genèse de l’oeuvre concernée, ou encore le type de matériaux utilisés.

Toutes les œuvres sont-elles consultables par le public ?

Si l’on ne demande pas à voir les œuvres les plus fragiles ou les plus demandées, comme celles de Michel-Ange ou de Leonard de Vinci, la réponse est toujours “oui’’. Comme je le dis toujours à nos visiteurs, sur les 250.000 œuvres que comprend la collection, 249.000 d’entre elles sont directement consultables. Les mille restantes sont sorties uniquement pour raisons d’études.

On sent chez vous la volonté de réaffirmer cette ouverture au plus grand nombre…

C’est une chose que je martèle depuis dix ans : la salle de consultation n’est pas réservée aux spécialistes. J’aimerais d’ailleurs que nous ayons plus de visiteurs. L’an passé, nous en avons eu 1300, mais nous pourrions en accueillir le double ! Surtout, nous avons constaté une baisse progressive de fréquentation de la salle à laquelle la mise en ligne des collections n’est sans doute pas étrangère. Aujourd’hui, force est de constater que beaucoup de gens se contentent de voir les œuvres en format numérique. C’est regrettable, car admirer une œuvre “en vrai’’ constitue une expérience sensible beaucoup plus riche. 

C’est cela qui rend la salle de consultation des Arts graphiques si spéciale ?

Ici, le visiteur peut nouer une relation véritablement intime, unique, avec une œuvre. Ce n’est pas comme la Joconde, qui ne peut être approchée qu’à condition d’affronter la foule. Là, vous êtes seul face à l’oeuvre, en prise directe avec le geste créatif des artistes.

Qu’entendez-vous par là ?

Le dessin est souvent la “première pensée’’ d’une œuvre, qu’il s’agisse d’une peinture, d’une pièce d’orfèvrerie, d’une tapisserie ou d’une sculpture. Il est la première transcription, couchée par la main sur le papier, de l’idée qui a germé dans l’esprit de l’artiste. Le dessin permet de comprendre, d’approcher la genèse d’une œuvre. Si l’on regarde par exemple l’ensemble des dessins produits par Delacroix pour La Liberté guidant le peuple, on dispose de clés de lecture précieuses qui permettent d’apprécier encore davantage le tableau. Pouvoir observer l’évolution d’une création, les modifications témoignant de la volonté de l’artiste de trouver la composition la plus forte, la plus adaptée au sujet qu’il souhaite peindre, c’est une expérience tout à fait exceptionnelle.


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