« La vocation du Louvre est d’aller à la rencontre de tous les publics. »

Le Louvre ailleursExposition

Le 28 octobre 2024

Depuis le 19 octobre, le Louvre organise une exposition dans le centre commercial Qwartz de Villeneuve-la-Garenne. Un projet ambitieux qui vient couronner trois années de collaboration culturelle avec la ville de Villeneuve-la-Garenne dans les Hauts-de-Seine. Gautier Verbeke, directeur de la Médiation et du Développement des publics du musée, nous en détaille la programmation. 

Dans quel cadre le projet d’exposition du centre commercial Qwartz s’insère-t-il ?

L’opération s’intègre dans le cadre d’une stratégie territoriale de jumelage mise en œuvre par le Louvre avec plusieurs municipalités d’Ile-de-France. Depuis plusieurs années, nous travaillons à la fois avec les écoles, les associations, mais aussi les structures de santé et d’insertion des villes partenaires. Ces jumelages, soutenus par la préfecture, s’inscrivent à la fois dans une perspective d’éducation artistique et culturelle, d’accès au musée à destination de publics fragilisés, et de développement de nouveaux publics.

Pourquoi avoir choisi le centre commercial Qwartz pour accueillir l’exposition ?

Le partenariat qui unit le Louvre avec Villeneuve-la-Garenne a débuté en 2022. Dès le départ, nous imaginions le conclure avec un événement fort, qui permettrait de fédérer les habitants de la ville, et de récapituler l’ensemble des actions menées grâce au jumelage. Villeneuve hébergeant un grand centre commercial, dont la fréquentation annuelle est quasiment équivalente à celle du musée (le centre commercial Qwartz accueille chaque année quelque 8 millions de visiteurs), il nous a semblé opportun de l’organiser sur ce site. 

1 sur 4

Que le Louvre s’invite dans un centre commercial, cela s’apparente à un choc des cultures...

De prime abord, le fait que le Louvre investisse un tel lieu peut surprendre. Toutefois, mon expérience au Louvre-Lens m’a montré que les musées sont les bienvenus partout, et notamment dans ces endroits. Il existe une attente de rencontres culturelles des bailleurs des centres commerciaux, mais aussi de leurs clients. Pour beaucoup, voir qu’un musée fait l’effort de venir jusqu’à eux est une heureuse surprise. Le fait de constater qu’il existe une offre, qualitative et adaptée à tout le monde, change leur perception de l’institution muséale, qu’ils n’ont pas forcément l’habitude de fréquenter. Ils se rendent compte qu’il peut s’y passer des activités adaptées à tous, et surtout, qu’ils y sont légitimes, qu’ils y ont leur place. 

Quel type de public le Louvre cherche-t-il à toucher à travers ce genre d’exposition ?

Dans les centres commerciaux, on peut toucher tout le monde. Notamment des catégories entières de la population qui ne sont pas la cible des actions d’éducation artistique et culturelle. Tout un pan de la société, qui correspond à ce qu’on appelle communément les « classes moyennes », s’en trouve ainsi exclu. Il est de fait important que les musées fassent l’effort de se rapprocher d’elles.

Pour quelle raison selon vous ?

On pense à tort que ces publics visitent spontanément les musées, mais c’est faux. Quand on analyse leur fréquentation – et le Louvre ne fait pas exception –, on s’aperçoit que les classes moyennes ne représentent que 30 % des actifs visiteurs, alors qu’elles représentent 73 % du total des actifs. Cette sous-représentation doit pousser les musées à réfléchir, et à mettre en œuvre des actions pour toucher ces publics.

L’exposition organisée au centre commercial Qwartz en fournit une bonne illustration. Comment a-t-elle été conçue ?

L’enjeu pour nous était d’aller chercher les publics qui sont éloignés du Louvre, et de montrer son caractère à la fois universel et contemporain. Le thème des “habitants’’ du musée allant à la rencontre de ceux du territoire a rapidement été retenu. Le propos de l’exposition s’articule ainsi autour d’une vingtaine d’œuvres, qui représentent la diversité des collections. Chaque œuvre sélectionnée, qui a fait l’objet d’une reproduction sur toile pour l’occasion, ou moulée en trois dimensions, incarne ainsi à sa manière un pan de civilisation, une région, une époque. Mais au-delà du choix des œuvres, se rapprocher du public impliquait aussi de doter l’exposition d’une “identité Louvre’’ renouvelée. Nous avons donc apporté un soin particulier à la scénographie.

Quels principes ont guidé sa conception ?

Elle repose sur deux éléments identitaires très forts du Louvre, que nous souhaitions mettre à l’honneur. D’une part, son caractère palatial est évoqué à travers le parquet de type Versailles qui recouvre l’espace d’exposition et fait écho à la Galerie d’Apollon. D’autre part, les cimaises, tout en transparence, sont dotées d’une structure sombre visible qui rappelle celle de la Pyramide, le symbole par excellence de la contemporanéité du musée. Cette approche contemporaine se prolonge par ailleurs à travers les cartels qui accompagnent les œuvres. Ceux-ci prennent en effet la forme d’adresses directes : les œuvres “parlent’’ aux visiteurs en s’exprimant à la première personne. 

D’autres dispositifs ont-ils été imaginés autour des oeuvres ?

L’exposition s’accompagne en effet d’une vraie programmation culturelle, et plusieurs dispositifs de médiation ludique sont mobilisés. Différents jeux ont été conçus, comme des “Qui est-ce ?’’, ou un baby-foot du Louvre où chaque joueur représente une œuvre. Nous proposons aussi une borne à selfies équipée d’une intelligence artificielle, qui permet d’intégrer votre visage dans une des œuvres, ainsi qu’une expérience de réalité virtuelle sur la Joconde. Comme il était par ailleurs très important pour nous qu’il y ait une médiation humaine de l’exposition, nous avons imaginé des visites et des ateliers adaptés à tous. Enfin, l’une des initiatives culturelles mises en place dans le cadre du jumelage avec Villeneuve-la-Garenne sera à l’honneur durant toute la durée de l’exposition.

A quel projet faites-vous référence ?

Une des actions emblématiques menées pendant le jumelage a été réalisée par une artiste photographe. Elle a fait des portraits des habitants de la ville en costumes et maquillés à la manière de personnages présents dans des œuvres du Louvre. Cette série sera diffusée sur les écrans dynamiques du centre Qwartz durant trois semaines. 

On devine, à la lumière de la description que vous en faites, que l’exposition a mobilisé des moyens importants. S’agit-il d’une initiative unique ou a-t-elle vocation à se pérenniser dans d’autres centres commerciaux ?

Nous avons beaucoup investi dans ce projet, c’est vrai. Par conséquent, notre ambition est de le faire vivre à plus grande échelle dans d’autres lieux de ce type en 2025, et pas seulement en Ile-de-France. La vocation du Louvre est ici nationale, et nous souhaitons aller à la rencontre de tous les publics, partout en France. Au risque de me répéter, notre objectif est vraiment de faire évoluer le regard du public sur le musée. Et pour cela, il est important pour le Louvre de s’aventurer hors de ses murs.

 Partager cet article

Vous aimerez aussi

Antiquités égyptiennes : le Louvre retrouve d'anciens pensionnaires

Après dix ans d'absence, la salle du parvis du temple retrouve ses célèbres babouins de granit. Un retour que nous décrit Hélène Guichard, conservatrice générale, adjointe au directeur du département des Antiquités égyptiennes.

François Chaignaud dans la "folteresse" du Louvre

Depuis trois ans, dans le cadre d’une collaboration entre le Festival d’Automne et le Louvre, le musée invite un chorégraphe à concevoir un projet au sein de ses espaces. Cette année, François Chaignaud y présente Petites joueuses dans les vestiges de la partie médiévale. Ce spectacle, conçu comme une déambulation, introduit l’exposition « Figures du fou. Du Moyen Âge aux Romantiques » que les spectateurs peuvent visiter ensuite, passant de la scène à la salle. 

"Un moment qui restera gravé dans nos mémoires"

La flamme des Jeux de Paris s’est définitivement éteinte il y a un mois. Retour, en compagnie de Mathilde Prost, conseillère chargée de l’action territoriale, sur une aventure exceptionnelle à laquelle le musée a pleinement participé.