Disponible en version originale (italien).
L’étude anatomique du corps de l’homme et l’étude géologique du corps de la terre sont probablement les champs scientifiques dans lesquels Léonard de Vinci a obtenu les meilleurs résultats. En effet, il avait pour ambition de renouveler l’anatomie en tant que science en allant bien au-delà de l’horizon d’autres artistes-anatomistes de son époque, de Pollaiolo à Michel-Ange. De la même manière, il élabora une théorie de la Terre aussi complexe que celle des plus grands philosophes qui, entre l’Antiquité et le Moyen-Âge, avaient étudié ce que l’on appellera plus tard la « géologie ».
Et pourtant, le travail artistique et technique de Léonard a toujours été à l’origine de son intérêt pour ces deux champs scientifiques. La conférence reviendra sur cette connexion initiale, en présentant de nouvelles preuves de celle-ci. Par la suite, même lorsque Léonard poussa encore plus loin ses études scientifiques dans ces deux domaines, il les relia toujours à ses réalisations artistiques. Nous examinerons les répercussions de ses recherches plus scientifiques sur la représentation du corps humain et du paysage et, parallèlement, nous verrons comment la formation artistique a fourni à Léonard des outils linguistiques et des modèles d’interprétation qui jouèrent un rôle décisif dans ses recherches scientifiques.
Si c’est bien à partir de son travail d’artiste que Léonard est devenu un anatomiste et un « géologue » à part entière, il est important de noter que ses recherches anatomiques sur le corps humain ou microcosme ont influencé ses recherches géologiques ultérieures sur le corps de la terre ou macrocosme. Cette succession interne à ses recherches scientifiques a contribué à générer deux grandes phases de son art : une première phase dominée par la figure humaine et une seconde phase, après 1500, durant laquelle la figure humaine semble s’effacer de plus en plus derrière la présence dominante des éléments naturels (terre, eau et air).
Au cours de cette conférence, nous tenterons de comprendre ces relations et contaminations réciproques entre les recherches artistiques et scientifiques de Léonard, et entre les différents domaines de ses recherches scientifiques.
La conférence sera articulée en deux parties. La première sera consacrée à la reconstruction de l’évolution de ses recherches anatomiques : son affranchissement progressif de l’anatomie artistique vers une dimension de plus en plus scientifique et philosophique naturelle, marquée par l’étude psychosomatique, physionomique et de l’anatomie comparée de l’homme et des animaux. De la représentation du « moti mentali » (mouvement de l’esprit) dans la Cène à celle de la colère bestiale des combattants de la Bataille d'Anghiari, nous analyserons plusieurs exemples des répercussions des recherches anatomiques de Léonard sur ses réalisations artistiques. Des comparaisons avec des œuvres de Michel-Ange aideront à comprendre la différence entre le « cas Léonard » et le développement plus canonique de l’anatomie artistique à la Renaissance.
La seconde partie de la conférence sera consacrée à ses études de la terre, et présentera les résultats des recherches menées pour la préparation d’une nouvelle édition du Codex Leicester (Oxford University Press), l’un des manuscrits les plus complexes de Léonard. Nous verrons comment la curiosité de l’artiste Léonard pour ces étranges pierres « figurées » en forme d’animaux marins, que nous appelons maintenant fossiles, a suscité son intérêt pour la géologie. De même, son expérience d'artiste et de technicien dans le domaine de la fusion de statues équestres en bronze a permis à Léonard de démontrer l'origine animale des fossiles et d'expliquer le processus de fossilisation. Nous verrons comment il a ensuite développé une théorie très originale de la terre et de l’émergence des continents hors de la mer, et comment cette théorie était reliée d’une part à ses recherches anatomiques et d’autre part à la représentation du paysage dans ses œuvres tardives. En général, nous tenterons de comprendre comment la vision de Léonard sur la nature, dans les arts et dans les sciences, s’est de plus en plus éloignée de l’anthropocentrisme. C’est dans cette vision du monde, plus que dans l’invention réelle et présumée de l’avion, que réside sa modernité.