

Splendide vaisselle ou poème spirituel ? Le plat de Samarcande à inscription rayonnante
Avec Souraya Noujaim, directrice du département des Arts de l'Islam
Au Louvre est présenté un plat à large rebord, réalisé à la fin du Xᵉ siècle. C'est un chef-d'œuvre de la céramique de Samarcande. Souraya Noujaim, directrice du Département des arts de l'Islam du musée du Louvre, présente ce monument philosophique, aussi métaphysique que fonctionnel.
Jean de Loisy, critique d'art et commissaire d'exposition, reçoit Souraya Noujaim, directrice du Département des arts de l'Islam du musée du Louvre pour explorer une pièce de vaisselle d'exception. Ce plat a la forme d'un cercle clair, qui diffuse dans le rayonnement de sa couronne une écriture coufique d'un équilibre et d'un rythme merveilleux. Le calligraphe a scandé la phrase qui en décore le rebord par de longues verticales dont la répétition enivre l'esprit. Puis, comme un astre noir, placé au centre de ce disque blanc, enluminé, presque cosmique, un point légèrement décentré, aimant le regard. Que nous apprend ce plat ? Que nous dit-il de la culture, de la foi ? Que nous dit-il de la poésie, de l'art et de la théologie ?
Le plat à inscription rayonnante de Samarcande, un chef-d'œuvre minimaliste
Le plat à inscription rayonnante est un chef-d'œuvre de l'art islamique du Xᵉ siècle, fabriqué à Samarcande à partir d'argile locale. C'est une pièce de vaisselle imposante, mesurant un diamètre de 37,6 cm, une hauteur de 10,8 cm, une épaisseur de 0,7 cm et un poids de 2,7 kg. Il allie minimalisme, abstraction et morale dans une pièce de vaisselle à la fois belle et fonctionnelle. L'art et l'utilité se rencontrent rarement de manière aussi harmonieuse.
L'expression d'une transcendance
Souraya Noujaim s'exprime sur l'écriture coufique présente sur le plat : "C'est une écriture dont le graphisme se prête particulièrement à cet art qui va devenir si caractéristique des civilisations d'Islam, l'art de la belle écriture, l'art de la calligraphie. C'est quasiment un geste transcendantal, puisqu'il rapproche le calligraphe, l'artiste, de Dieu (...) Le mouvement, le rythme complémente l'écriture et cette dernière se construit à partir d'un élément de base qui constitue en quelque sorte l'unité, l'unité mathématique. Et quand je dis mathématique, je veux dire dans l'ordre du monde, l'ordre cosmique qui régit la création".
Souraya Noujaim poursuit sur le thème de la transcendance : "Sur ce plat en particulier, et je crois que c'est ce qui en fait un chef-d'œuvre, c'est cette transformation de cette matière, la terre, l'intervention d'un calligraphe, sans aucun doute, mais aussi ce décor rayonnant qui se retrouve dans ce centre pointé. J'avais envie de voir l'influence du yin et du yang venus d'Asie, l'image de forces complémentaires qui régissent le monde. Il y a une réunion cosmique autour de cette composition, et je dirais autour même du contenu de l'inscription, une ouverture vers une forme d'infini".
Podcast "Chefs-d'œuvre en vies", par Jean de Loisy
Coproduction France Culture - Musée du Louvre
Avec les voix de Clotilde Hesme et et Micha Lescot
Réalisation : Céline Ters
1 sur 0