Portrait de jeunesse ou manifeste romantique ? Le portrait d'Eugène Delacroix en Hamlet

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Avec Claire Bessède, directrice du musée national Eugène-Delacroix

Au Musée Eugène Delacroix est présenté un autoportrait de jeunesse dans lequel l'artiste se représente en Hamlet. Jeune homme sombre, inquiet, mais intense. Ce tableau, rapide et principalement en noir et blanc, dégage un mystère que Claire Bessède, directrice du musée national Eugène-Delacroix, nous invite à percer.

Quels sont les ressorts du succès de cet autoportrait de jeunesse ? Quelle est son histoire ? Qu'annonce-t-il de ce que sera le grand artiste romantique que deviendra Delacroix ? Pour le savoir et le comprendre, Jean de Loisy, critique et historien d'art, rencontre la directrice du musée national Delacroix, conservatrice du patrimoine, Claire Bessède.

Autoportrait et théâtre

Le Portrait de Delacroix en Hamlet, également connu sous le nom de Portrait de Delacroix en Ravenswood, est une huile sur toile réalisée vers 1820. Ce petit tableau, peint avec peu de couleurs, présente une véritable économie de moyens. On peut se demander si c'est parce que Delacroix, à cette époque, n'a que très peu de ressources, ou si cette sobriété est un choix délibéré.

Bien que l'œuvre soit petite, elle dégage une présence et une monumentalité étonnantes. L'ensemble est assez sombre, mais l’élément qui capte immédiatement l’attention est ce col blanc légèrement triangulaire. Ce détail rappelle un motif récurrent dans l'œuvre de Delacroix, la présence de blanc au centre de ses tableaux, sous forme de lignes ou de formes en S, comme dans Roméo et Juliette ou le cheval du Combat du Giaour et du Pacha. Dans cet autoportrait, le col éclaire subtilement le visage du peintre, représenté en Hamlet. Le reste du tableau est dominé par des tons noirs : les cheveux et le costume de Delacroix sont noirs, d’un noir profond et lumineux, avec des reflets. L'éclairage semble provenir du bas, créant une ambiance théâtrale, comme si le peintre se trouvait sur scène. En arrière-plan, un décor flou, évoqué par une console, ajoute à l’aspect énigmatique de la scène. La touche est fluide et rapide, presque maigre, un peu comme Delacroix lui-même à l’époque, offrant un aperçu de son style naissant.

Delacroix avant Delacroix : entre influences et inspirations

Claire Bessède souligne que "c'est un tableau de Delacroix avant Delacroix, puisqu'à ce moment, il n'est pas connu, il a raté le prix de Rome, il n'a pas exposé au Salon d'œuvres qui fait encore sensation. C'est un moment où il vit de ses caricatures publiées dans Le Miroir des Arts. Pourtant, on trouve déjà dans l'autoportrait en Hamlet nombre d'éléments caractéristiques de la peinture de Delacroix. Le tableau témoigne de l'amour du peintre pour le théâtre et l'Angleterre. (...) On retrouve aussi ce costume, qui n'est en réalité pas un costume de Hamlet. Est-ce que c'est un costume de Ravenswood, le fameux personnage de Walter Scott ? Cela ressemble plutôt à un costume espagnol du XVIIᵉ siècle. On est un dans ce mélange d'intérêts de Delacroix pour l'Angleterre, l'Écosse, l'Espagne, et le noir de la peinture espagnole".


Podcast "Chefs-d'œuvre en vies", par Jean de Loisy
Coproduction France Culture - Musée du Louvre
Avec les voix de Clotilde Hesme et et Micha Lescot
Réalisation : Céline Ters

Découvrir le musée national Eugène-Delacroix

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