Maîtresse royale ou femme des Lumières ? Le portrait de la marquise de Pompadour par Maurice-Quentin de la Tour

La marquise de Pompadour qui souhaitait un portrait qui lui ressemble, s'en remit à Maurice Quentin de la Tour et dut patienter huit ans avant de recevoir le chef-d'œuvre du plus grand pastelliste du royaume. Que s'était-il passé pendant cette longue période de tourments pour l'artiste, d'impatience pour son modèle ? Quelles méthodes, quels essais fit le portraitiste ? De quelle péripétie son œuvre fut-elle victime durant cette longue période ? Et surtout, quels sont les messages discrets que transmet ce portrait, peut-être éclairé par d'autres enjeux plus politiques que celui de sa beauté ? Xavier Salmon, directeur du département des Arts graphiques au Musée du Louvre, répond à ces interrogations au micro du critique et historien d'art Jean de Loisy.

Un chef-d'œuvre des Lumières

Le portrait de la marquise de Pompadour par Maurice-Quentin de La Tour est une œuvre majeure du XVIIIᵉ siècle, conservée au musée du Louvre. Réalisé entre 1752 et 1755, ce pastel sur papier (dimensions : 1,75 m x 1,28 m) met en valeur le raffinement et l’érudition de Jeanne-Antoinette Poisson, marquise de Pompadour, favorite du roi Louis XV. Dans cette représentation, la marquise est dépeinte en pied, vêtue d’une somptueuse robe à la française ornée de dentelles et de nœuds. Maurice-Quentin de La Tour, grand pastelliste de son temps, excelle ici dans le rendu des textures (tissus, perles, papier) et dans la captation de l’expression du modèle.

La marquise est assise dans un décor élégant, entourée d’objets comme des livres, un globe, ou encore des instruments de dessin, symbolisant ses intérêts intellectuels et artistiques. Ce portrait ne se limite pas à une simple ode à sa beauté ; il est une véritable déclaration politique et culturelle. En tant que protectrice des Arts et des Lettres, Madame de Pompadour a joué un rôle clé dans la diffusion des idées des Lumières et le développement du style rococo en France.

Madame de Pompadour, protectrice des Arts et des Lettres

Comme l'explique Xavier Salmon, ce portrait témoigne de l'engagement intellectuel de Madame de Pompadour et de son rôle de mécène éclairée, prête à soutenir la diffusion d'idées nouvelles : "Depuis 1751, déclare-t-il, elle n'est plus la maîtresse du roi, mais la conseillère, l'amie, la mécène des arts. Elle souhaite que le public le comprenne. Donc, elle s'entoure dans ce portrait d'objets qui sont liés au monde des arts. Vous avez effectivement la présence, sur le canapé, de la guitare, parce qu'elle est musicienne, chanteuse et joue la comédie. Elle est aussi artiste : vous avez des cahiers à dessin et une gravure qui est posée sur la console à droite (...) Ce qui est aussi très important, c'est la présence des livres. Ce sont des accessoires qui délivrent un message. Le premier, c'est 'Le pastor Fido', un ouvrage élégant du XVIIᵉ siècle, qui raconte des amours, sans doute pour faire référence à sa propre relation à Louis XV. Ensuite, vous avez 'La Henriade' de Voltaire, présent pour mettre en valeur le règne d'Henri IV, symbole d'une monarchie plus éclairée, indifférente aux Religieux. Elle souhaite peut-être montrer que Louis XV s'inscrit dans cette tradition monarchique. Et puis vous avez 'L'Esprit des lois' de Montesquieu, interdit en 1751 en raison d'idées considérées comme trop perversives. Enfin 'L'Encyclopédie' de Diderot et d'Alembert, qui, elle aussi, avait été interdite, parce que l'Église considérait qu'un certain nombre de notices étaient sa défaveur".

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Podcast "Chefs-d'œuvre en vies", par Jean de Loisy
Coproduction France Culture - Musée du Louvre
Avec les voix de Clotilde Hesme et et Micha Lescot
Réalisation : Céline Ters