Épouse répudiée ou sœur bien-aimée ? Le portrait d'Anne de Clèves par Hans Holbein le jeune

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Avec Cécile Scailliérez, conservateur en chef au département des Peintures

Au Louvre, un portrait de femme patiente depuis cinq siècles. Les yeux baissés, elle semble espérer un signe, peut-être d’Henri VIII, pour devenir sa quatrième épouse. Cécile Scaillérez, conservatrice en chef au département des peintures, explore cet énigmatique portrait au micro de Jean de Loisy.

Le chef-d'œuvre d'Hans Holbein le Jeune a peut-être changé l'histoire européenne. Sa restauration récente nous permet de préciser le rôle curieux de ce célèbre tableau.

Anne de Clèves, reine d'Angleterre

Après avoir divorcé de Catherine d'Aragon, fait exécuter Anne Boleyn et perdu Jane Seymour, le roi Henri VIII souhaitait trouver une nouvelle épouse. Anne de Clèves, née dans un petit duché du Saint-Empire romain germanique, fut pressentie pour ce rôle. Le roi envoya Hans Holbein le Jeune, peintre officiel de la cour d’Angleterre, à Düren, où résidait la famille de Clèves, afin de réaliser le portrait d’Anne qui date de 1539.

L’artiste la représente à mi-corps, de face, impassible, les mains sagement croisées. Sa silhouette se détache sur un fond bleu intense, contrastant avec sa somptueuse robe de soie rouge, ornée de passementerie d’or, de perles et d’une riche coiffe. Exécuté à l’huile sur vélin, puis collé sur toile, ce portrait conjugue minutie et élégance, témoignant du talent de Holbein pour capturer à la fois la majesté et la retenue du modèle.

Tableau de fiançailles ou tableau de mariage ?

Cécile Scailliérez soutient l’hypothèse que ce tableau ne serait pas un portrait de fiançailles, mais qu’il aurait été réalisé après le sacre. Cela signifierait que le tableau daterait non de 1539, mais de 1540. Cécile Scailliérez poursuit : "ll y a un caractère holistique très important de cette effigie, très objectif, presque idéalisé tout en étant très réaliste, c'est vraiment la reine. Je pense que c'est un portrait qui est plutôt un portrait de femme mariée, de reine. (...) C'est intéressant parce que ce portrait nous semble extrêmement symétrique, mais à bien y regarder, il ne l'est pas totalement. Dans la coiffe, qui nous semble à droite sur le tableau, mais qui correspond en fait à l'oreille gauche du modèle, il y a quelque chose qui ne se trouve pas de l'autre côté, qui est une sorte de grosse broche, que la restauration a évidemment mis en lumière. C'est un gros bijou qui montre en son centre une grosse pierre et de part et d'autre de laquelle pierre se trouve deux visages, un visage masculin, un visage féminin : c'est un couple. Donc c'est une sorte de bijou d'alliance".


Podcast "Chefs-d'œuvre en vies", par Jean de Loisy
Coproduction France Culture - Musée du Louvre
Avec les voix de Clotilde Hesme et et Micha Lescot
Réalisation : Céline Ters