Déesse ou ex-voto ? La statuette votive dit Aphrodite de Nemi

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Avec Laurent Haumesser, conservateur en chef en charge des collections étrusques et italiques

Dans la grande salle des sept cheminées du Louvre, s'impose la ligne verticale de l'Aphrodite de Nemi. Cette sculpture en bronze de 50 cm, aux bras fusiformes, intrigue. Laurent Haumesser, conservateur en charge des collections étrusques et italiques au Louvre, tente de percer son mystère.

Fameux, immémorial aux traditions étranges, le lac de Nemi, situé au sud de Rome, est évoqué par Virgile comme un lieu de culte dédié à Diane. Là a été découverte une déesse que représente peut-être la singulière sculpture que nous découvrons aujourd'hui. Que sait-on d'elle ? Quelles étaient les dévotions qu'on lui associait ? Pourquoi cette forme qui fascina les artistes modernes est si forte encore pour nous tous ? Pour nous éclairer sur ces énigmes, Jean de Loisy, critique d'art et commissaire d'exposition, reçoit Laurent Haumesser, conservateur en charge des collections étrusques et italiques au musée du Louvre.

La Déesse du lac de Nemi

Retrouvée parmi de nombreux ex-voto, en 1886, dans le sanctuaire de Diane du lac Nemi, en Etrurie (Italie Centrale), cette statuette de bronze, longiligne, mesure 50 cm : ses bras fusiformes épousent le corps. Ses longues jambes unies, dans une robe serrée jusqu'aux pieds, sont signifiées par la prééminence de deux petites rotules qui rythment et formulent la silhouette, rimant avec la poitrine de la déesse. Les épaules tombantes accentuent l'élan du personnage et sont surmontées par cette tête réaliste, soigneusement coiffée et ornée d'un diadème, rappelant les modèles du classicisme grec et permettant de dater cette œuvre entre -375 et -350 avant J.-C.

Une œuvre indissociable de la modernité artistique

Laurent Haumesser commente la singularité de l'œuvre : "On a une tension dans l'œuvre qui effectivement fait son charme. Vous avez cette tête en rond de bosse, extrêmement soignée, détaillée dans la coiffure, dans le diadème, décorée de petites incisions, des yeux en amande. On a ce travail très fin qui montre précisément que cette élongation, cette forme abstraite n'est pas du tout une méconnaissance, une maladresse, une forme de décadence, mais bien un choix esthétique. Nous avons la tête qui est extrêmement travaillée sur un corps beaucoup plus abstrait, qui est une volonté singulière, encore une fois, de l'artiste".

Cette statue a eu une influence majeure sur la modernité, comme l'explique Laurent Haumesser : "Cette statue est pour nous, dans le regard actuel que nous portons sur cette œuvre, indissociable de la modernité artistique et notamment des œuvres du XXᵉ siècle. Je pense que nous ne regardons plus, nous ne voyons plus cette statuette si abstraite, si concentrée dans sa forme, comme ont pu la voir les archéologues ou même mes prédécesseurs du Louvre qui ont décidé de l'acheter en 1898".


Podcast "Chefs-d'œuvre en vies", par Jean de Loisy
Coproduction France Culture - Musée du Louvre
Avec les voix de Clotilde Hesme et et Micha Lescot
Réalisation : Céline Ters

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