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Figures du Fou
16 octobre 2024 – 3 février 2025
Le "Fou de Dieu"Troisième Maître d’Anagni
Saint François d’Assise
vers 1220-1250
Détrempe et feuille d’or sur panneau, 95 x 39 cm
Paris, musée du Louvre, département des Peintures, RF 975
Si, dans sa conception médiévale, la folie caractérise celui qui rejette Dieu, par opposition au sage qui œuvre au salut de son âme, l’hubris, la démesure, saisit également certains croyants qui, tels saint François d’Assise, sont désignés comme « fous de Dieu ». Dans un phénomène d’inversion, le « fou pour Dieu » cherche la sagesse par l’imbécillité, l’exaltation par l’humiliation. Plusieurs épisodes de la légende de saint François illustrent ce renversement des valeurs, ainsi de la prédication aux oiseaux ou de l’abandon de ses vêtements jusqu’à la nudité.
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Né à Assise au début des années 1180, fils d’un riche marchand, Francois disperse ses biens pour retrouver la pauvreté originelle prônée par l’Evangile. Sa quête du Christ est tout autant spirituelle que charnelle. La souffrance du corps, par l’ascèse jusqu’à la privation, exalte l’âme et la rapproche de Dieu. Il s’inscrit ainsi dans la lignée des mystiques, ermites ou stylites des premiers siècles du christianisme, qui cherchent par le dépouillement jusqu’à la déraison à élever leur esprit vers le divin.
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Le panneau du Louvre figure le saint vêtu de l’habit de l’ordre qu’il a créé : une robe de toile brune serrée par une ceinture en corde à trois nœuds, symbolisant les vœux prononcés par les Franciscains : pauvreté, obéissance et chasteté. Le vêtement, le visage émacié, les stigmates – plaies du Christ sur la croix, dont il serait le premier porteur documenté, renvoient à l’humiliation du corps, quand, sur le livre qu’il tient, figure le résumé de deux versets de l’Evangile selon Saint Luc : « L’esprit de Dieu est sur moi… » qui attestent de l’onction divine.
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La frontalité, le fond d’or, rattachent stylistiquement cette représentation à la tradition byzantine. Elle est attribuée au Troisième Maître d’Anagni, qui est également l’auteur de la plus ancienne effigie de saint François conservée, vraisemblablement exécutée avant même sa canonisation survenue en 1228. Son nom de convention vient des fresques qu’il a réalisées dans la crypte de la cathédrale d’Anagni, au sud de Rome, et dont la proximité avec le tableau du Louvre permet de proposer une datation dans les années 1230 pour celui-ci.
François, le fou de Dieu
Maître d'Anagni, Saint François d'Assise
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