Figures du Fou
16 octobre 2024 – 3 février 2025
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Le Fou d'amourAquamanile : Aristote et Phyllis
Pays-Bas du sud, vers 1380
Alliage cuivreux, 32,4 x 39,3 x 17,8 cm
New York, The Metropolitan Museum of Art, The Robert Lehman Collection, inv. 1975.1.1416
L’association amour – folie constitue l’un des principaux thèmes de la littérature médiévale. Le basculement dans la déraison provoqué par la douleur amoureuse est décrit dans la chanson de l’alouette, composée par le troubadour Bernard de Ventadour au milieu du XIIe siècle. Une vingtaine d’années plus tard Chrétien de Troyes conte les mésaventures d’Yvain, le Chevalier au lion, rendu à l’état sauvage après que sa femme l’a éloigné d’elle. De même Lancelot perd-il toute mesure chaque fois qu’il se croit abandonné par Guenièvre. Feindre la folie permettra à Tristan de pénétrer dans le château du roi Marc et d’approcher Yseult.
Le Lai d’Aristote, composé vers 1220, rapporte un épisode de la vie d’Alexandre le Grand. Lors de la conquête des Indes, il tombe amoureux d’une jeune fille à laquelle il consacre son temps, négligeant la conduite du gouvernement. Son maître Aristote lui reproche son inconséquence et le convainc de s’éloigner de son amante. Ainsi délaissée, celle-ci décide de se venger du philosophe. Elle le séduit puis l’humilie devant Alexandre.
Ce thème figure un renversement des valeurs. Le motif apparaît au XIVe siècle dans les illustrations des marges de manuscrits, puis gagne les objets de luxe. La diffusion par la gravure au XVIe siècle lui assure une popularité accrue, qui correspond à l’intérêt de l’époque pour le pouvoir des femmes. Il est à rapprocher des nombreuses représentations contemporaines de Judith et Holopherne. Par la ruse et la séduction, les femmes peuvent contourner la force et la sagesse viriles.
L’aquamanile de la collection Lehman montre Phyllis chevauchant Aristote, qu’elle tient fermement par les cheveux, tandis qu’elle semble le fesser. La charge érotique est manifeste, qui trouve un écho dans la forme du robinet par lequel s’écoulait l’eau, le coq désignant en allemand comme en français, le sexe masculin. La domination de la femme sur le vieillard, l’abandon de celui-ci à la démesure de l’amour, constituent autant de facteurs de déraison qui inscrivent l’objet dans le thème de la folie.
Aquamanile, Aristote et Phyllis
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