Figures du Fou

16 octobre 2024 – 3 février 2025

Passée

Passée

  • vue de l'œuvre L'aveuglement volontaire - 1

1 sur 1

L'aveuglement volontaireMaître de 1537
Portrait de fou regardant à travers ses doigts
vers 1548
Huile sur bois, 48,4 x 39,6 cm
Anvers, The Phoebus Foundation

En 1494 Sébastien Brant publie La Nef des fous, bientôt suivi par l’Eloge de la folie d’Erasme en 1511. Ces deux ouvrages rencontrent un large succès et contribuent à faire du fou une figure centrale durant tout le XVIe siècle. Dans un monde en plein bouleversement politique et religieux, le fou questionne l’ordre social, y introduisant de la critique ou de la révolte. Son image, diffusée par la gravure, est bien identifiée : vêtement aux couleurs vives et contrastées, coiffure surmontée d’une crête de coq et agrémentée d’oreilles d’âne et de grelots, ainsi qu’un bâton, sculpté à son effigie grimaçante et auquel il s’adresse, la marotte.

Ce portrait reprend fidèlement les conventions qui désignent visuellement le fou. Le style très réaliste est précis dans les détails. On notera le raffinement du costume, doublé de fourrure, les mains aux longs doigts osseux et aux veines saillantes, les rides d’expression autour des yeux. Le personnage tient en outre des bésicles, autre attribut du fou, qui parodie l’érudit tout en offrant une vision déformée de la réalité, caractéristique de la folie.

L’iconographie du fou regardant à travers ses doigts est plus particulièrement populaire dans le monde germanique et les Pays-Bas. Ce geste traduit en effet une expression employée en allemand ou néerlandais pour désigner le parti de tolérer ou ignorer une action moralement réprouvable, voire illégale. On trouve également cette mention au chapitre 33 du livre de Brant. Dans ce cas il s’agit d’un mari qui feint de ne pas voir l’adultère de sa femme, l’explication proposée étant que le fou la trompe lui aussi. 

Sur le portrait du Maître de 1537 le fou a également ôté ses lunettes, ce qui renforce son refus de voir. Cet évitement peut être plus largement interprété comme un excès de tolérance d’où découlerait la folie du monde, comme mentionné dans la légende d’une gravure contemporaine : « De nos jours les gens regardent à travers leurs doigts, c’est pour cela que ça va mal partout ».

"De nos jours les gens regardent à travers leurs doigts"

  • Maître de 1537, Fou regardant à travers ses doigts

1 sur 3