Marginalités, du Moyen Âge à nos joursFolies, d’un monde à l’autre
13 Janvier 2025
Marginalités, du Moyen Âge à nos jours
Folies, d’un monde à l’autre
13 Janvier 2025
Table ronde
Francesca Alberti, Académie de France à Rome - Villa Médicis (Rome)
Diane Bodart, Columbia University (New York)
Emma Capron, The National Gallery (Londres)
Antonella Fenech, Centre André Chastel, Sorbonne Université (Paris)
En croisant nos points de vue de chercheuses, cette table ronde veut mettre en lumière l’extraordinaire richesse créative de l’univers visuel de la folie. Elle se propose d’explorer la relation entre folie et «licence artistique», tout en évoquant les cas d’artistes se réclamant du côté des « fous », ou ayant fait de la folie leur terrain jeu.
«Le thème du fou est probablement l’un des plus utiles que nous fournit la culture de la Renaissance pour relier entre elles un certain nombre de données d’apparence plutôt disparate ».
Ces mots d’André Chastel trouvent une résonance particulière après avoir vu l’exposition «Figures de fous », tant on ressort étourdi, mais aussi ébloui par l’incroyable diversité et la richesse insoupçonnée des œuvres rassemblées dans les salles.
On serait tenté de se demander: d’où vient cette profusion de représentations de la folie ?
Comment expliquer son caractère protéiforme ? Dans un essai précurseur, Robert Klein notait que, pour le Moyen Âge et la Renaissance, l’image de la folie était un instrument d’autocompréhension. Les figures du fou, en tant que médiatrices entre l’image et le spectateur, permettaient de révéler la condition humaine ; elles portent en elles une force herméneutique, une capacité à dévoiler et à interroger.
Ainsi, le thème de la folie en histoire de l’art a été exploré à l’aune de multiples disciplines: histoire sociale et littéraire, théologie, anthropologie, médecine ou philosophie. Ces approches interdisciplinaires ont permis de mieux saisir la richesse des contextes historiques et des pratiques sociales ayant contribué à l’essor de cet univers visuel. Mais, est-ce qu’elles ont souligné suffisamment l’extraordinaire puissance créative qu’accompagne l’imaginaire de la folie ?
Partout en Europe, les artistes prémodernes ont trouvé dans les images de la folie une ressource expressive pour donner forme aux grands questionnements de leur temps: passions, vices, genres, âges de la vie, rapports au pouvoir, croyances religieuses, limites du corps et de l’humanité, ou encore confrontations culturelles, voir même inter-espèces. Si la folie, en tant que tension intrinsèque, a souvent servi de moteur à la création d’images ; les images de la folie, à leur tour, mettent en tension les hiérarchies, les classifications et les catégories, bouleversant ainsi l’ordre établi. Elles choisissent le mode du débordement, de la parodie, du renversement, du nonsens…– autant de principes inhérents à la folie.
En lien avec l’exposition "Figures du fou. Du Moyen âge aux Romantiques"